Le Bazar de la Charité - Catherine Ramberg (Chronique)
- La Couleuvre
- 26 janv. 2020
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 févr. 2020

J’étais allée deux jours chez une amie pour préparer une visite et, comme quelques mois plus tôt dans le même contexte, nous avons regardé une série le soir. Cette fois-ci, c’était « une série qui se passe à la fin du XIXe à Paris, avec de super costumes » et j'allais apparemment adorer. J'ai effectivement adoré Le Bazar de la Charité, cette mini-série française de huit épisodes.
En 1897 ouvre le Bazar de la Charité, une vente de bienfaisance tenue par des dames de la haute société. Dans cet édifice en bois, étroit, un cinématographe a même été installé pour divertir les visiteurs, des femmes pour la plupart. Le premier jour de l’ouverture du bazar, un incendie part de ce cinématographe. La petitesse du lieu et l’unique issue, une porte tambour, rendirent ce feu extrêmement meurtrier. Le fait que la sœur de Sissi l'impératrice y trouva la mort en fit même un événement éminemment politique et il marqua les esprits de son temps. C’est d’ailleurs en s’en inspirant que Gaston Leroux écrira Le Fantôme de l’Opéra en 1910.
Le premier épisode de la série se déroule le jour de la première – et dernière – ouverture du Bazar. Il ne s’ouvre toutefois pas sur ce lieu mais sur un couloir d’un riche hôtel particulier parisien où une petite fille cherche son hamster, demandant l’aide de sa mère qui arrive dans une splendide robe à manches gigots rayée bleue et blanche (attendez-vous à ce que je vous reparle des costumes assez souvent : ils sont magnifiques). En effet, ce n’est pas tant une série politique ou policière – quoique… – qu’une série centrée sur le destin de trois femmes après cet incendie, à savoir une fille de l’ancienne noblesse (je crois…), Alice de Jeansin, sa tante, Adrienne de Lenverpré (celle avec la jolie robe rayée de bleu !) et sa bonne, Rose Rivière. L’une d’elle se fera passer pour morte et cherchera à fuir le pays avec sa fille pour échapper à son mari (un très méchant monsieur), une autre sera obligée de jouer le rôle d’une femme morte dans l’incendie, à la demande de la mère de celle-ci, la dernière se verra forcée d’épouser un homme qu’elle n’aime plus pour sauver les siens tout en vivant une romance avec un anarchiste, le tout teinté de revendications féministe. Oui, c’est un peu complexe, mais comme c’est bien géré, on arrive à suivre.
En huit épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun, soit quatre cents minutes environ, ce qui nous donne quelque chose comme six heures quarante d’histoire, oui j’aime les maths, il peut sembler tendu de traiter tout cela mais la narration ne laisse pas beaucoup de creux et enchaîne les rebondissements, passant de l’un à l’autre des trois points de vue principaux et en y ajoutant quelques autres comme ceux du directeur de la Sûreté ou de l’anarchiste accusé d’être à l’origine de l’attentat. Quel que soit votre genre cinématographique de prédilection, je pense que vous y trouverez votre compte : fiction historique (avec quelques libertés) de manière générale, policier avec Célestin Hennion aidé d’Adrienne de Lenverpré, film noir avec Marc-Antoine de Lenverpré et Hugues Chaville, romance avec Alice de Jeansin et Victor Minville, drame familial (plus ou moins) avec les de Jeansin, complot familial (si je puis dire) avec Mme Huchon et Rose Rivière… il y a de tout !
Au niveau du son et de l’image, j’ai trouvé la musique excellente au visionnage, accompagnant très bien les scènes et les oscillations de tension. Elle n’est pas tant cohérente avec l’époque, comme celle au clavecin des Liaisons dangereuses, par exemple, mais plus actuelle. Elle m’a particulièrement rappelée celles des Assassin’s Creed, surtout le II et Rogue, en partie à cause de cet aspect. Et c’est un bon point de rappeler les musiques des Assassin’s Creed. Les plans ne m’ont pas semblé extraordinairement audacieux mais pas non plus bâclés, je dirais plus classiques, ce qui n’empêche pas du tout d’apprécier la beauté des décors du Paris de la toute fin du XIXe siècle et, surtout les costumes. Adrienne de Lenverpré a de ces robes ! et de ces manteaux ! Je pense que l’on peut sans hésiter lui remettre la palme des meilleurs costumes de la série. Les autres aussi sont bien habillés, je ne dis pas ça, mais disons que l’on a les costumes de l’époque au niveau excellent puis qu’encore au-dessus on a les costumes d’Adrienne de Lenverpré. Et loin en dessous, au moins de mon point de vue, on a le manteau d’Alice. Je n’aime pas ce manteau. La coupe, la matière et l’absence de cintrage pour compenser la taille des manches lui donnent l’air, à mon goût, d’une robe de chambre trop grande, ce qui est dommage.
L’analyse colubresque de quelques personnages et relations
Alice de Jeansin et Victor Minville
Bon, je vais peut-être m’attirer des oppositions pour ça mais je ne suis pas si emballée que ça par eux deux, en grande partie parce que je trouve les deux personnages assez plats et surtout très prévisibles. Dans le bazar, un jeune homme un peu de style voyou bouscule la jeune fille de bonne famille, ils se disputent mais finissent par se séparer, il se passe un truc grave comme, au hasard, un feu, et le jeune voyou va aller sauver la fille et ils vont tomber amoureux. Extrêmement vu et revu, comme je le disais. Juste, mention spéciale à Victor pour une scène, lorsqu'il s’enfuit de l’hôpital pour échapper à la police et qu’il y croise et bouscule son Alice : « Vous fuyez la police ? — Non, pas du tout. Par contre là, faut absolument que je parte. ».
Adrienne de Lenverpré
Une femme forte et indépendante, ainsi que très têtue. Elle mène de front son plan pour retrouver sa fille, avec l’aide d’un gamin des rues et de son amant journaliste, ainsi qu’une enquête sur le passé de son mari avec le chef de la Sûreté. Elle est assurément mon personnage préféré de cette série et je ne trouve rien à redire ni à son jeu, ni à son écriture. Un bel exemple d’amour maternel qui la rend prête à tout pour sa fille. Et puis ses tenues… Je l’ai déjà mentionnée mais sa robe rayée blanche et bleue est magnifique, de même que le manteau long bleu sombre qu’elle porte durant la majorité de ses scènes en extérieur et qui fait en plus ressortir ses cheveux roux flamboyant.
Ah et si vous vous dites que vous l’avez déjà vue quelque part, allez revoir Kaamelott…
Camille de Lenverpré, Thomas de la Trémoille et Léo
La fille de Lenverpré, le fils de la Trémoille et le gamin des rues qui aide Adrienne de Lenverpré dans ses plans. Les trois sont certes très mignons, indépendamment et ensemble pour le duo Camille et Léo, mais, surtout, sont des enfants intelligents et ça, c’est bien. Quand ils sont dans une scène, la scène est bien. Je ne vous en dirai en revanche pas plus, histoire de vous laisser découvrir…
Mme Huchon
La mère d’Odette de la Trémoille, une amie d’Alice, et donc la grand-mère de Thomas. Elle fera tout pour préserver sa situation auprès de son gendre après l’incendie et ce qui arrive à sa fille, mais ce pas pour elle, seulement pour Thomas. Elle semble rêche, sévère et cruelle au début mais est en fait une femme qui fera tout pour son petit-fils, qu’importe le prix pour les autres, ce qui en fait un personnage remarquable et intéressant, rehaussé par une interprétation au niveau.
Célestin Hennion
Le chef de la Sûreté. Ça dit tout ce que cela a à dire, non ? C’est un personnage droit dans ses bottes, au passé sombre et triste mais qui fera tout pour le triomphe de la justice. Dit ainsi, il peut sembler un personnage banal de héros un peu plat mais il est loin d’en être un. Persévérant, déterminé, obstiné, il se retrouvera confronté à deux affaires complexes dont l’une fera ressortir une ancienne affaire non résolue en justice, l’obligeant à tout faire pour protéger ceux qu’il aime. Et puis il a une magnifique voix et un charisme notable.
Henri
L’assistant d’Hennion. Il n’a pas un grand rôle et sert plus à servir d’interlocuteur aux réflexions de son patron, debout dans un coin avec son ensemble chemise, gilet et serre-manche mais il est attachant et aura de grandes responsabilités vers la fin de la série, mais je n’en dirai pas plus sur ce point…
Ainsi, ce contexte historique, mêlé à une musique et un langage plutôt moderne plante pour ce drame féministe un décor à cheval entre l’ancien et le moderne bien maîtrisé de manière générale, registre qui est très cher à mon cœur. C’est donc une série que je vous recommande, éloignez juste les âmes sensibles car les certaines scènes sont très impressionnantes, d’autant plus que vous n’en n’avez pas pour si longtemps que cela à la regarder et que vous pouvez la visionner en version originale sans sous-titres sans aucun problème, ce qui est fort plaisant. 🔥
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